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Le printemps est la saison du renouveau. Le jardin «Humble Administration» met cette idée en valeur, et son envergure est digne de la magnificence du printemps. Pavillons, vérandas, kiosques sont entourés des eaux ondulant au gré du vent. Les amateurs de l’opéra Kunqu fréquentent assidûment ce jardin somptueux, ils y cherchent une révélation pour mieux connaître leur opéra. Et pour les habitués du jardin, le cas est inversé.
Il existe un trait commun qui caractérise le jardin «Humble Administration» et l’opéra Pavillon de Pivoine quant à leur style artistique. On dit que Cao Xueqin, l’auteur du roman classique Rêve dans le Pavillon rouge, a décrit la résidence princière de son roman d’après ce jardin. Sur cette grande scène se succèdent comédies et tragédies.
En fait, ce jardin constitue en lui-même une grande scène où se passent des vicissitudes du monde ici-bas. Pendant plus de 400 ans, tour à tour «résidence privée» ou «administration princière », le jardin dirait beaucoup s’il parlait.
Le jardin «Forêt du Lion» est à plusieurs dizaines de pas de l’«Humble Administration». Cela prouve combien les jardins foisonnent à Suzhou. On dit que dans ce jardin, chaque rocaille prend la forme du lion. Mais c’est faux. Il était à l’origine un temple bouddhique. Les soutras prétendent que quand le Bouddha prêche, sa voix tonne à l’instar du lion qui rugit. De là vient son appellation.
«On prétend que je me trouve au cœur de la ville, et moi, je me sens au milieu des mille montagnes». C’est là le jardin «Forêt du Lion».
Le célèbre écrivain Williams Faulkner a composé une œuvre immortelle sur une parcelle de terre pas plus grande qu’un timbre postal. Il en est de même pour les jardins de Suzhou. Il arrive qu’un jardin soit bâti sur un terrain de dimension encore plus réduite, qui ne mesure que la moitié d’un timbre.
C’est un prodige: il est comme un texte aux caractères minuscules comme pattes de moustique, mais bien arrangés.
C’est le cas du «Jardin de la Moitié», où tout est en moitié: la moitié d’un pavillon, la moitié d’un kiosque... il n’y a rien d’étonnant puisque dans la poésie classique on dit «derrière la guitare, un visage à demi caché», et «fleuve rouge de moitié, bleu de l’autre».
Comme la culture chinoise est unique au monde, elle atteint sa maturité depuis belle lurette.
Elle trouve ses illustrations en tout et sous angles différents. Les jardins de Suzhou en est une. Leurs multiples facettes sont autant de notes sur cette culture, et racontent des anecdotes qui s’y rapportent.
De la petite allée fleurie du «Jardin de la Moitié», on lève la tête et voit un ciel d’une limpidité absolue. Cela évoque un quatrain de Liu Yuxi, poète des Tang:
« Depuis toujours l’automne remplit de tristesse le cœur,
pour moi cette saison est plus ardente que marées du printemps :
Lorsqu’une cigogne monte d’assaut du ciel limpide,
ma verve poétique éclate, planant dans le firmament.»
Les jardins de Suzhou constituent une source d’inspiration poétique. Une fois là, on est pris par une fièvre de versifier, tout comme l’a écrit le poète Jiang Taoshu des Qing :
« Absurde de chercher exprès la poésie
et de la refuser quand elle vient en visite :
Elle revient à ma rencontre ce matin
lors d’une promenade, parmi montagnes et cours d’eau.»
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