A la veille de la Libération en 1949, l'opéra Kunqu n'eut plus qu'un souffle de vie. Dans l'ensemble du pays, il n'existait qu'une demi-troupe familiale - la Troupe d'Opéra Sukun de Guofeng. Si on l'appelle "demi- troupe", c'est que la moitié de son répertoire appartient à l'opéra Sutan, l'autre moitié à l'opéra Kunqu. Les expériences historiques nous montrent que la moindre négligence entraînerait la disparition d'un trésor inestimable. Ce fut le cas pour l'opéra Kunqu.
Xing Rongzhi Ni Chuanyue Jiang Xingyu Gu Duhuang
Il n’y a plus de specteurs, tant pis pour l’opéra Kunqu. A Shanghaï, une bombe a détruit nos coffres à costumes. Il n’y a plus de troupe professionnelle. Sans la Société d’Etudes, l’Opéra Kunqu aurait péri.
En 1940, quand la guerre anti-japonaise battait son plein, une revue de Nanjing publia un article intitulé : «L’Opéra Kunqu : prospérité et décadence depuis un demi-siècle». L’article, signé par Ding Ding, mérite d’être considéré comme les « Annales » de cet opéra de 1890 à 1940. Il écrit : « L’Opéra Kunqu, telle une flèche à bout de course, décline à tel point qu’il ne reste plus que la troupe Xianni, originaire de la Société d’Etudes d’Opéra Kunqu. Celle-ci ne comprend qu’une vingtaine d’acteurs ; des spectateurs se raréfient de jour en jour ; cet opéra qui tombe de plus en plus dans l’oubli, est loin d’être de se mesurer avec l’opéra de Pékin, l’opéra Yueju du Zhejiang et d’autres opéras locaux. On prévoit que dans un proche avenir, la troupe Xianni, la seule qui existe actuellement, disparaîtra à son tour, tout comme le motif Guanglingsan ; et que l’opéra Kunqu ne sera qu’une page tournée dans l’histoire dramatique de Chine. »
La Société d’Etudes d’Opéra Kunqu et la troupe Xianni dont on parle ont joué sans aucun doute un rôle non négligeable dans la transmission de cet opéra. Sans elles, cet art dramatique aurait cessé d’exister. Il est à noter que la Société d’Etudes, une école fondée par des personnalités non officielles de leur propre initiative, a contribué à léguer des traditions à la postérité, au moment où l’opéra Kunqu était en pleine décadence.
Au cours du 20ème siècle, de nombreux personnages ont laissé leurs noms dans l’histoire chinoise et exercé leur influence séculaire sur la Chine. Pourtant, on ignore le nom de Mu Ouchu qui ne devra pas être oublié, car c’est lui qui a perpétué cet opéra pour qu’il ne dispraisse pas. En 1943, Mu Ouchu mourut à Chongqing. Yu Zhengfei, célèbre artiste d’opéra Kunqu, écrivit un article pour honorer la mémoire de son vieil ami. L’article conclut : « Depuis la fin de la dynastie Qing, l’opéra Pihuang s’est relevé, tandis que l’opéra Kunqu a décliné de jour en jour. Grâce à votre initiative, cet opéra a pu survivre jusqu’à aujourd’hui. Pour envisager l’avenir, cet art dramatique en pleine décadence ira vers l’extinction. Heureusement, les passionnés, comme vous-même, ont fait l’impossible pour le préserver et le passer à la postérité. Vos efforts impérissables,ont permis de répandre un peu de lumière à son existence. Votre esprit vivra éternellement ! »
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Quand il était jeune, Mu Ouchu avait fait ses études aux Etats-Unis. De retour en Chine, il s’était dépensé pour développer l’industrie. Au début du 20ème siècle, il devint ‘‘roi du fil de coton’’. Ce qui différait des autres, c’est qu’il proposait, d’une part, d’apprendre les sciences, les techniques et la gestion des pays occidentaux, mais d’autre part, de faire rayonner la culture de la nation chinoise. Mu Ouchu avait appris dans sa jeunesse la musique et le théâtre. En tant qu’industriel, il gardait d’étroites relations avec les milieux culturels. Ce n’est qu’après avoir fait la connaissance de Yu Sulu surnommé ‘‘Saint de l’Opéra Kunqu au Sud du Yangtse’’ et père de Yu Zhengfei, que Mu Ouchu réalisa la place de l’opéra Kunqu dans la culture traditionnelle chinoise. Depuis, il ‘‘apprit cet opéra de façon infatigable, malgré son grand âge.’’
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